En situation de conflit, une des choses que nous entendons le plus souvent au démarrage d’une médiation est que la faute vient de l’Autre. Que cela soit en couple ou avec les enfants, en entreprise, dans les relations de voisinage ou encore les relations amicales, quand il y a conflit, nous sommes tout d’abord enclin à situer l’origine du problème dans le comportement de la personne avec qui nous sommes en relation. De là naissent bien des conflits. Est-ce inéluctable ? Essayons ici d’y voir un peu plus clair et de développer une plus juste conscience de ce qui se passe pour ne plus tomber dans ce piège.
L’origine du problème
Généralement il y a eu un geste, une parole qui sont venus nous atteindre et parfois nous blesser. L’origine de ce fait est bien à l’extérieur de nous, chez l’autre. Dans une lecture causale des faits, il y a bien une cause extérieure et un sentiment intérieur en réponse. L’agressé se sent bien être la victime et n’imagine pas volontiers pouvoir y être pour quelque chose également. On ne va tout de même pas penser que l’on peut vouloir subir une telle offense !
Un franchissement de frontière ?
Cependant, on peut aussi voir dans cette manière de décrire le problème que nous passons outre une frontière majeure : la frontière entre l’intérieur et l’extérieur de nous-même. Ainsi, nous pensons qu’un fait extérieur peut provoquer en nous une forte diversité de sentiments plus ou moins dommageables ou même parfois une blessure douloureuse.
Cette porosité de la frontière nous vient du temps lointain où nous ne faisions qu’un avec la matrice/mère. Face à cette grande puissance, à l’époque où nous étions effectivement en totale dépendance physique et affective, nous ne pouvions que vivre la fusion. Puis est venue la fonction paternelle, l’intervention du Papa, qui par ses mots et sa présence, permet à l’enfant de se désidentifier de la matrice et de prendre son indépendance affective et intellectuelle. Par le langage, nous mettons ainsi de la distance entre le réel – la vie telle qu’elle est, l’autre et ses comportements – et nous-même. Nous apprenons à distinguer ce qui est au-dehors de ce qui est au-dedans. Ainsi débute, en principe, le chemin du recul et de la maturité et qui permet de vivre des relations conscientes.
Dans les relations inconscientes, nous restons bien souvent identifiés à nos émotions et confondons ce qui relève de notre responsabilité et ce qui tient de celle de l’Autre. Par simple projection, nous tenons pour origine de nos sentiments l’auteur des faits qui ont généré en nous une émotion. Comme ce que je ressens est négatif et que l’origine semble venir de l’autre j’en déduis que la cause de mon malheur se trouve bien en dehors de moi. Je ne peux être que la victime et l’autre l’agresseur. Le manque de lucidité à cet endroit est fréquent et constitue la source de nombreux différents relationnels.
L’apport de la Communication Non Violente
A cet endroit, la CNV, peut venir à notre secours pour restituer avec un peu plus de clarté les différentes dimensions en jeu. Ainsi, Marshall Rosenberg, l’auteur de cette méthode, nous invite à bien distinguer les faits, qui sont objectivement réels, des sentiments qu’ils génèrent en nous. Ce qui nous met en colère ce n’est pas tant le comportement de l’autre (extérieur) que le fait que cela vient à l’encontre d’un de nos besoins (intérieur). L’origine est l’insatisfaction de notre besoin légitime. Et l’autre ne peut être responsable de cela à notre place. Nous sommes et demeurons toujours les seuls responsables de la satisfaction de nos besoins. Seul le petit enfant immature croit que son parent est responsable à sa place de satisfaire son désir.
C’est là que les couples se méprennent souvent en attendant que l’autre – nouvelle projection de l’adulte nourricier des premiers jours – viennent combler tous nos besoins affectifs. En réalité, nul conjoint ne peut faire le bonheur de l’élu(e) de son cœur. Il ne peut que contribuer à créer des conditions qui permettront à l’autre de se satisfaire de ce qui se passe dans la relation. L’autre ne peut être qu’un contributeur plus ou moins facilitant. Il ne peut être responsable à notre place de ce que nous vivons et surtout de la manière dont nous ressentons les événements.
Apprendre à réguler ses conflits par la parole
Ainsi, un fait se transforme en sentiment lorsqu’un de nos besoins légitimes est touché. Si nous ne prenons pas garde à notre gestion des émotions, nous pouvons réagir avec maladresse ou violence à cette sollicitation. Les modalités de cette réaction peuvent alors aussi bien être une projection, un passage à l’acte, un déplacement ou une symbolisation. Cette violence est l’écho d’une violence passée ou d’une souffrance que la personne ne sait pas gérer autrement. Dans tous les cas, c’est le signe qu’elle souffre bel et bien, aussi difficile que cela puisse être à entendre de la part de la personne agressée en retour, tant elle peut, elle aussi, souffrir.
La mise en mots, à travers une parole issue de « l’Adulte » de la personne permet d’éviter la mise en maux. La Communication Non Violente rappelle ainsi qu’il vaut toujours mieux parler que de manifester par un comportement inconscient son mal-être. Car de l’inconscience à la violence il n’y a qu’un pas. Les reproches, les menaces verbales ou les claquements de porte sont des violences qu’une saine colère ne saurait justifier. S’il est sain de manifester sa colère en posant une limite ou en affirmant un besoin, l’agressivité qui porte atteinte à l’intégrité de l’autre, ne peut être tolérée. Apprendre à reconnaitre ses besoins et formuler avec justesse une demande ou un refus permet de se positionner sans violence mais avec tout autant de fermeté et d’authenticité. On trouvera en thérapie relationnelle un bon support pour développer ce savoir-faire.
L’approche par l’analyse transactionnelle
Si l’on veut aller plus loin encore, nous pouvons, avec une approche plus transactionnelle tenter de comprendre que ce que nous reprochons en fait à l’autre concerne d’une part notre attente insatisfaite, mais aussi, d’une manière beaucoup plus profonde -et souvent inconsciente- notre scénario de vie. En effet, si nous sommes confrontés à une personne violente, notre besoin de sécurité peut s’en trouver insatisfait. Mais si nous restons dans une relation qui nous fait vivre couramment des situations de violence alors peut-être pouvons-nous y voir la marque d’une position de vie qui chercherait à s’auto-valider.
Prenons l’exemple de quelqu’un qui depuis l’enfance aurait « appris » qu’il n’est pas aimable. Il est à la fois à la recherche d’une relation qui va enfin lui permettre de se sentir aimé, mais, ce qui est plus important encore, est qu’il va chercher à vivre son scénario inconscient et en même temps se choisir un partenaire qui va lui permettre de ne pas se sentir véritablement aimable. Ainsi observe-t-on un jeu paradoxal dans lequel une personne peut manifester en même temps une attente et son contraire. Son partenaire se trouve alors confronté à une double contrainte. Il va donc devoir répondre aux deux niveaux de messages pourtant contradictoires. Et comme bien souvent il a lui aussi cette même propension au double jeu, les deux compères vont-ils pouvoir jouer longtemps dans le même jeu psychologique d’auto-validation mortifère ?
L’approche systémique du couple
La thérapie systémique permet de déjouer ces cercles vicieux. Elle permet d’aider chacun des protagonistes à reprendre la responsabilité de ses comportements et de ses besoins sans en attribuer la faute à l’autre. Elle permet de reconnaitre ce qui est la part scénarique – ce qui nous vient d’une blessure de l’enfance, par exemple – de la situation présente. Ainsi, nous pouvons comprendre que notre interlocuteur, par son comportement, ne fait que nous faire revivre une situation qui nous rappelle un événement douloureux de notre histoire. En mettant une saine distance entre ce qui est le présent de ce qu’était le passé, le jeu projectif, mis à jour ne peut plus opérer son travail de sape. Mieux, l’un et l’autre des partenaires de jeu peuvent reprendre leurs responsabilités et CHOISIR de se comporter d’une nouvelle manière qui soit plus positive et plus constructive. Alors devient-on plus prévenant vis-à-vis de l’autre, tolérant face à sa différence car celle-ci n’est plus une menace.
Vers un couple conscient ?
Ainsi peut-on voir des couples s’apprécier non seulement pour leurs points communs mais aussi pour leurs différences et leurs vulnérabilités mutuelles. Aucun des deux n’est plus une menace pour l’autre -y compris par ses bonnes intentions de sauveur- car aucun ne se sent victime de la vie ou victime de son partenaire. Chacun assume sa vie, ses blessures et ses limites. Chacun laisse l’autre être ce qu’il est et cette ouverture est alors la voie royale de l’expression d’un amour sincère et véritable. Le quotidien à deux devient une danse dans laquelle chacun prend soin de soi afin de mieux pouvoir se mettre au service de l’autre.
Alors la vie devient l’occasion de manifester, à travers chaque situation du présent concret, sa capacité à incarner en conscience son essence profonde. Il n’y a plus de conjoint idéal à découvrir mais un chemin de découverte mutuelle à faire à deux.
Si vous aussi, vous connaissez ces difficultés dans votre couple, nous vous recevons à deux thérapeutes pour vous aider à mieux comprendre vos difficultés et apprendre à mieux les traverser. En atelier collectif ou dans l’intimité du cabinet, Isabelle Borg et moi-même accueillons à Lyon les couples désireux de mettre plus de conscience dans leur vie à deux. Plus de renseignements sur le site www.alexisclaudel.com
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