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De plus en plus de gens se rendent compte que notre monde doit changer. Si l’on ne peut que s’en réjouir, il est plus inquiétant d’observer certaines volontés à faire changer les autres. Même armée d’une belle intention, la volonté de se poser comme celui qui va sauver le monde d’une supposée – ou même bien réelle – menace est tout autant un danger pour la société. Entre résignation et violence, une juste posture est pourtant possible afin d’agir avec puissance et pertinence. Regardons ici comment l’adopter.

Un constat qui mobilise

Je rencontre de plus en plus souvent des gens convaincus de l’urgence climatique et de la nécessité de changer de modèle économique de notre société. Ils sont souvent investis dans des associations, des mouvements citoyens ou bien ils sont facilitateurs ou consultants en développement durables ou coachs. Je ne peux que saluer le réveil des consciences et que certains messages fassent leur chemin. Mais parmi eux, j’entends certains, entiers dans leurs convictions, tenir un discours attaché à une forte volonté de faire changer les choses. Ils proposent d’imposer telle ou telle mesure, de contraindre les entreprises ou les citoyens ou encore de sanctionner tout ceux qui n’ont pas les mêmes pratiques vertueuses qu’eux. Les végétariens voudraient interdire la consommation de la viande. Ceux qui prennent des douches veulent taxer les baignoires. D’autres voudraient imposer aux chefs d’entreprise la libération de leurs salariés et aux salariés les bonnes pratiques du bonheur au travail. (voir Chief Happyness Dictator) Chacun a de bonnes pratiques qu’il aimerait bien voir généraliser. Certains seraient prêts à se battre pour cela. N’a-t-on déjà pas assez de violence comme ça?

Le temps des croisades est révolu !

Certains s’étonneront : n’est-ce pas forcément vertueux de vouloir sauver les espèces en voie de disparition, les océans et notre climat? N’y a-t-il pas assez de preuves que le danger est bien réel et qu’il faut absolument combattre toutes les causes qui nous ont amené à en arriver là? 
Je ne discute pas le constat de l’état du monde et de la gravité de son état actuel. J’en suis accablé. Mais je trouve tout aussi inquiétant cette volonté de combattre les causes car j’y vois, certes, une louable intention, mais aussi le risque de voir de nouvelles violences apparaitre.
Je crois qu’il ne faut pas céder à la tentation de prendre la gravité du constat pour une autorisation à utiliser n’importe quel moyen pour y faire face. 
Il me semble que le combat revient à faire encore plus de la même chose. C’est à dire vouloir, une fois de plus, imposer par la force le point de vue de certains, et faire subir ainsi à tous les autres leur volonté. Nous ne faisons que faire toujours plus de la même chose.

La nécessité d’imposer des règles au profit du bien commun?

Tous les dirigeants le savent, il est parfois tentant d’imposer des mesures impopulaires. L’actualité toute récente de ce mois de mars 2020 nous en donne de beaux exemples avec le recours au 49-3 du gouvernement pour clore le débat sur les retraites. L’actualité sanitaire montre aussi comment il peut s’avérer nécessaire de contraindre à l’isolement une population pour éviter la propagation d’un virus. Le législateur légifère. Les décideurs décident. La majorité subit. Chacun se fera une idée de la légitimité de la décision prise. La bonne cause n’est pas toujours une cause unanime reconnue. En tout cas, celle des décideurs a la légitimité qu’on voudrait bien leur reconnaitre. (Cette période d’élection est un bon moment pour se poser cette question et se rappeler que si l’on veut de bonnes lois, il est important de se faire représenter par les bonnes personnes.)
Mais malgré à cela, les citoyens veulent parfois eux aussi avoir droit au chapitre. La société civile se rebiffe. Et le mouvement des gilets jaunes a très bien montré que les plus radicaux deviennent vite violents. Et que dire des grévistes qui n’hésitent pas à bloquer toute une partie d’un pays afin de faire entendre leur point de vue particulier. Il faut croire que parfois il serait légitime de durcir le ton pour rivaliser avec un pouvoir bien en place? Cela m’interroge.

Persistance de la loi du Talion

La réponse du berger à la bergère qui voudrait que l’on répond à la hauteur de l’offense que l’on a reçu, oeil pour oeil et dent pour dent, n’est pas une loi qui prône la violence. Au contraire, lorsque Hammourabi, le roi de Babylone (1793-1750 av. J.C.) fait graver sur une grande pierre noire les règles qu’il entend faire respecter dans son pays, il cherche à éviter certains débordements de violence. Il demande qu’un châtiment ne dépasse pas l’offense. Plus tard on retrouvera ses mêmes principes dans la loi romaine et dans la tradition juive. Il faudra attendre les commandements de Jesus pour réaliser qu’une réponse violente à un outrage n’est pas le seule solution à envisager. La question de laisser passer l’amour plutôt que la guerre n’est pas une idée neuve. Mais elle semble avoir vraiment du mal à s’imposer.

Renoncer à être le sauveur du monde

Vouloir sauver le monde revient à considérer que la Terre, la société, les individus sont victimes d’autres individus (patrons, hommes politiques, industriels, banquiers…) ou d’un système. Il faut entrer en combat pour protéger le faible du fort.
Mais en faisant cela on entre dans le piège de ce que Stephen B Karpmann, élève d’Eric Berne le fondateur de l’Analyse Transactionnelle, a décrit dans le triangle dramatique Sauveur, Victime, Persécuteur. Le drame de ce jeu psychologique très répandu est dans le coup de théâtre qui fera inévitablement s’inverser les rôles. Le sauveur ne manquera pas de se transformer en persécuteur ou en victime. Chacun finit perdant quelle que soit sa position de départ. Il est clair que ce type de fonctionnement n’a pas de bénéfice, hormis celui de nous renforcer dans nos croyances limitantes du genre « le monde est pourri » « je suis nul » « les méchants sont les plus forts » etc.
Par définition, on entre dans ce jeu en considérant qu’un individu -ou ici la Terre- n’a pas la capacité de faire face à ce qu’elle vit et à trouver par elle même une réponse satisfaisante à ses besoins. En faisant cela, au mieux on infantilise la victime, au pire, on la rend dépendante ou on devient soit même le persécuteur d’une tierce partie abusivement définie comme le persécuteur. C’est aussi prendre le risque de s’épuiser à essayer de combler le tonneau des danaïdes.
La Terre n’a aucunement besoin d’être sauvée. Elle possède une force et une capacité de résilience immense qui fera que dans tous les cas elle se relèvera du mal qu’on lui fait. Pour se « sauver » elle n’a qu’à éliminer l’Homme de sa surface et le tour est joué. Ainsi, pour moi, ce n’est pas la planète qui est en danger mais l’humanité qui s’obstine à ne penser qu’à son confort égoïste. 

Une transition spirituelle fondamentale

Si l’on veut réellement changer le monde, peut-être pouvons-nous regarder la situation avec un autre regard. Plutôt que de continuer construire des modèles, des outils ou encore des politiques pour essayer de rationaliser encore plus le monde, il serait peut-être temps d’essayer de faire vraiment ce que plus de 2000 ans de sagesse universelle nous invite à faire. Cette chose est décrite comme étant toute simple, mais il semblerait bien qu’elle soit très difficile à réaliser. Ce sont tous les maitres spirituels qui nous invitent à le faire à travers tous les livres sacrés et aujourd’hui les enseignements des maitres spirituels récents ou encore bien vivants comme Amma, Eckhart Tollé ou Michael Roads pour ne citer que ceux que j’ai approché. Et l’état du monde est bien la preuve que nous n’y sommes pas encore. Au mieux, commençons-nous à voir le chemin et à y faire quelques pas.
Cette invitation est à cultiver en soi Amour et Présence au Moment présent.
Ce que nous apprennent ces sages est que lorsque nous serons capables de nous aimer nous-même tel que nous sommes, sans condition, alors nous serons également capable d’aimer les autres et le monde tel qu’il est. Le message est que nous ne sommes qu’Un, tous unis dans une même conscience humaine. Et que la nature est cette conscience. 
Ainsi, en développant en nous cette perception du monde nous ne pourrons que nous respecter davantage les uns les autres, sans plus nous spolier, nous exploiter ou voler les richesses de certains au profit d’une poignée. Nous retrouverons ainsi notre connexion à la Terre et un respect authentique de la Nature, comme certains peuples premiers savent encore le faire. En faisant cela, non seulement nous améliorerons le sort de la planète mais surtout ce sera un formidable pas en avant dans notre développement humain. Ce sera notre salut à nous plus que tout autre. 

Des croyances à dépasser

Mais voilà, les religions nous ont montré que même cette vision du monde pouvait être dévoyée et engendrer croisades, persécutions, ou attentats. Toujours du fait que certains veulent imposer leur vision à d’autres, tous certains de détenir la vérité et d’être du bon côté. 
Mais voilà, notre culture ultra rationnelle ignore ou condamne tout ce qui n’est pas vérifiable scientifiquement, mélangeant dans le même rejet les croyances issues de l’ignorance du passé, les phénomènes paranormaux et les visions spirituelles. Tout ce qui n’est pas physique, mesurable et rationnel est condamné ou rangé au rang des croyances naïves, des pensées pieuses ou encore des délires les plus fous. Les plus tolérants n’acceptant l’existence de certaines réalités métaphysiques que pour mieux les considérer comme des réalités que la science finira par expliquer rationnellement. Toujours ce passage obligatoire par la rationalité du mental égotique.
Je crois que l’enjeu de notre époque est de retrouver, entre une vision religieuse et une vision matérialiste nihiliste, le chemin d’une vision plus spirituelle du monde, simplement humaniste, c’est à dire portée non plus par l’illusion d’un fonctionnement uniquement mental mais remettant le cœur à sa place, au centre de la vie. Il n’est pas question de renoncer au matérialisme ou encore à la pensée critique, ce serait encore tomber dans une extrémité dommageable.

Un nouveau paradigme

Je crois qu’il est temps de nous consacrer à la voie du milieu, celle qui fait se rejoindre pensée et intuition, accueil et refus, action et non-action etc. L’enjeu est de devenir attentif à ne plus opposer une voie au détriment de l’autre. Il s’agit de reconnaitre le bien fondé des deux, comme les deux faces d’une même pièce et les deux polarités qui feront notre équilibre. Cet équilibre n’est pas un idéal angélique mais une liberté qui nous permet de ne plus être amputé d’une moitié de nous même et donc en conflit avec le reste du monde.
Vouloir faire changer le monde en restant tourné vers l’extérieur c’est oublier la sagesse de toutes les voies spirituelles qui répètent pourtant inlassablement que « la porte est en dedans », que le seul combat juste que nous pouvons mener est celui contre notre mental égotique et sa tyrannie invalidante. Car nous sommes fondamentalement des êtres d’amour. Mais nous l’avons oublié. Et nous ne faisons que projeter cette division de nous-même à l’extérieur. La tradition nous dit que l’individu accompli est celui qui ne peut être divisé (in-divisé), c’est à dire celui qui a conscience de son unité. Et cette unité est intrinsèque mais elle est aussi l’unité avec toute l’humanité et la nature comme le rappelle sans cesse Amma ou Michael Roads dans leurs enseignements.

Agir pour favoriser le changement

Mais alors, n’est-il pas possible d’agir et de se rendre utile au monde? Faut-il tout laisser-faire et subir dans une apathie détachée? Ou se retirer dans la méditation, la prière ou dans un aquoibonisme dépressif ?
Je crois qu’il est bien entendu possible et nécessaire d’agir. L’action est d’ailleurs la seule juste manière de pratiquer réellement toute spiritualité. Après l’extase, il faut se mettre à faire la lessive, comme le rappelle le bouddhiste Jack Kornfield. L’action nous ancre dans la réalité et nous permet de faire l’expérience de la résistance de la matière. C’est cela le sens de notre incarnation : faire l’expérience de la matière et apprendre à jouer avec, avec amour. Et quand le chemin est facile, quand tout va bien, nous n’avons que peu de mérite à savoir rester zen et bienveillant. Mais quand le climat se tend, quand les conflits, les virus et la crise apparait, réussissons nous à garder cet équilibre? Personnellement, je vois bien que je n’y arrive pas à chaque fois. Mais je vois aussi que c’est moins souvent qu’avant et que je sais maintenant me relever plus vite lorsque je trébuche. Je vois qu’il est tentant de ne rien faire pour ne pas risquer de mal faire ou d’être déçu. Je vois qu’il est pénible que, lorsque l’on souhaite réaliser quelque chose, il est déstabilisant de se faire contrer par d’autres. Je vois que les positions des autres me heurtent parfois et j’ai encore bien du mal à en accepter certaines. 
Mais je crois fondamentalement qu’il est juste de se mettre en action, dans une intention positive et constructive, dans les réalités quotidiennes, mais toujours en tachant de rester centrer sur soi.

Des niveaux d’action à distinguer

Comment pouvons-nous être le plus utile pour faire notre part de cette transition?
Le premier chemin est en effet de clarifier ses intentions et essayer d’apaiser son cerveau par la méditation par exemple. Un chemin en soi !
Ensuite, c’est en incarnant nous-même, autant qu’il nous est actuellement possible de le faire, le changement que nous voulons voir arriver. Cela passe par tous les choix que nous faisons au quotidien, lors de nos achats, nos activités personnelles (tri des déchets, recyclage…) et sociales.
Agir est souvent plus efficace que parler. Agir cela peut être écrire un article ou créer une entreprise. C’est aussi parfois être capable de se mobiliser à travers des collectifs centrés sur une cause qui nous parait juste (le logement, l’alimentation, le social…) ou encore la production d’œuvres destinées à provoquer un changement de regard, comme les artistes ont la vocation de le faire.
Et si l’on veut aller plus loin et que l’on se sent capable d’apporter une aide particulier à d’autres qui veulent agir et qui ont besoin d’être accompagné pour le faire, alors on peut adopter une posture d’accompagnement.

Accompagner ceux qui en font la demande

Cette mise en action demande donc une juste posture. Je vois ça souvent dans les coachings ou les supervisions que je réalise. Accompagner un collectif pose de nombreuses questions sur les objectifs et les méthodes. Mais c’est surtout une question de posture.
Claude Steiner un autre excellent analyste transactionnel contemporain, nous a donné une « trousse de secours » pour nous aider lorsque l’on est perdu face à une sollicitation. Faut-il intervenir ou laisser d’autres faire? Ai-je eu raison de m’impliquer dans cette affaire ou suis-je en train de faire le sauveur?
Pour nous éclairer, Steiner nous demande de répondre à quatre questions simples :

  • Y a-t-il une demande? Sans demande, je prends le risque de positionner en victime impuissante celui que je veux aider. Je prends aussi le risque de faire une chose qu’il ne m’a pas demandé et ainsi de l’infantiliser ou de l’humilier. Et puis, la demande me permet de savoir ce que je peux faire exactement pour aider. Comme au restaurant, c’est le client qui choisit ce qu’il mange, pas le serveur.
  • Est-ce mon rôle de l’aider? Je ne peux faire que ce qui est dans mon rôle. Sinon je fais le boulot d’un autre, et je cours le risque de l’invalider, de le shunter maladroitement. Il est important de vérifier si nos prérogatives nous permettent à nous d’agir. Par exemple, il est de la responsabilité d’un parent d’éduquer son enfant, ce n’est pas au voisin de le faire. Ou encore, c’est au manager d’une équipe de gérer son équipe, et non à son collègue de l’équipe d’à côté.
  • Ai-je les compétences pour agir? Laisser faire les professionnels est souvent une bonne chose. Ils ont les outils, l’expérience et le savoir-faire. Moi pas en dehors de mon réel champ de compétences. Vouloir que les entreprises changent, sans être un spécialiste de l’entreprise, c’est de l’amateurisme. La volonté de certains mouvements citoyens de se mêler sans aucune compétence de choses qui les dépassent crée des agitations souvent inutiles et bien souvent contreproductives. Il y a souvent confusion des rôles. (voir le prochain post sur le sujet).
  • Ai-je envie d’aider? Si il y a une demande claire, si c’est bien à moi d’intervenir du fait de mon statut ou de mon rôle et si j’ai les compétences pour être vraiment efficace, encore faut-il que j’aie envie d’aider. Rendre service à un copain sans en avoir envie, crée des jeux de dette ou des non-dits qui peuvent vite se transformer en conflit. Ecouter et respecter ses envies profondes permet de ne pas se faire violence à soi-même, et de rester bien aligné. Nous ne pouvons vraiment aider que si nous sommes bien nous mêmes. Pas à contre coeur.

Une voie juste pour changer le monde

Ces règles sont fondamentales dans la relation d’aide. Elles s’appliquent aussi à toutes les bonnes volontés qui veulent agir pour aider notre monde à se transformer. Elles n’empêchent nullement les initiatives, les gestes forts et les profondes transformations solidaires, coopératives et écologiques. Simplement elles les rendent justes, puissantes et parfaitement respectueuses de tous et de la vie. Elle laisse à chacun sa place et ses responsabilités et elles favorisent une bonne coopération entre tous les vivants. N’est-ce pas cela que l’on cherche à faire en fait?
Je crois que l’on ne peut traiter le fond sans la forme. La violence de notre monde actuel tient aussi de la force avec laquelle certains cherchent à imposer à d’autres leurs idées et choix.
Imposer la coopération n’est pas de la coopération. Imposer l’amour n’aurait pas de sens. Seul l’acceptation de ce qui est, tel que c’est, peut être juste. Et ce qui est peut aussi être changé, simplement en agissant et créant autre chose. Tout comportement dictatorial serait contraire à la démarche. Mais ça aussi, c’est à accepter. Cela fait partie du monde actuel. Cela nous fait cheminer aussi que de nous confronter à cela.
N’oublions pas que le chemin est un chemin intérieur et que le reste en découlera.
Alors zen! Fichons-nous la paix en nous acceptant tel que nous sommes et travaillons sur notre paix intérieure en ajustant nos comportements à nos plus pures intentions. Le reste ne nous appartient pas.

Cet article est le reflet de mon positionnement du moment. Ce n’est que ma vérité. C’est une vérité car c’est ma vérité du moment. Vous avez certainement une vérité différente et elle est juste aussi. Vous pouvez nous la partager dans les commentaires ci-dessous ou simplement mettre un commentaire.

Pour aller plus loin, vous pouvez suivre les liens que j’ai mis dans l’article.
ou encore cet article : Peut-on faire évoluer la culture d’une organisation ?
ou encore : Ce matin je change le monde !
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