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Il est autant d’experts en confinement que de confinés a-t-on parfois l’impression lorsque l’on fréquente certains réseaux sociaux. Nous avons facilement des certitudes et la croyance qu’il est évident qu’il faut faire ou non telle ou telle chose. Et si ces certitudes étaient avant tout la marque de notre ignorance ?

Le paradoxe du sentiment de compétence

Les certitudes sont le prix à payer de l’intelligence, dit-on.

L’effet Dunning-Krüger, du nom des deux psychologues américains, montre, en effet, que plus on est expert d’un sujet et moins nous avons de certitudes arrêtées. Leur article paru en 1999 montre que les moins qualifié dans un domaine surestiment volontiers leur compétences. En effet, l’approfondissement d’un sujet en révèle toute la complexité,  les innombrables enjeux, déterminants et niveaux d’analyse. Ainsi ce savoir étendu, nous invite à rester humbles. Plus nous en savons et plus nous percevons les limites de notre connaissance. A l’inverse, les « yakas » simplistes, que nous pouvons être tentés de professer parfois, montrent seulement l’étendue de notre incompétence.

Une information trompeuse

Aujourd’hui, nous pensons parfois être informé. Nous lisons les journaux, écoutons la radio ou nous effectuons des recherches sur le net. Or, lorsqu’il peut nous arriver de connaitre un sujet et que l’on voit comment il est traité dans la plupart des médias et plus encore à la télévision, on se rend vite compte que la désinformation est souvent plus importante que l’information réelle. Il est alors parfois plus sage de se tenir à l’écart de certaines sources illusoires d’information. Ainsi se sachant ignorant nous évitons l’écueil de nous croire suffisamment informé alors qu’on ne perçoit qu’une toute petite partie d’un sujet. Sans parler des biais cognitifs nombreux et de leur effet sur nos illusions. Quand nous ignorons tout, au moins nous savons que nous ne savons pas, et en général cela invite à la modestie. C’est déjà ça.

Des informations officielles orientées

La crise du Coronavirus a montré que de nombreuses informations, parfois contradictoires, parfois paraissant farfelues viennent s’entremêler dans les journaux et plus encore dans les réseaux sociaux. Il est difficile de faire la part des choses et d’être sûr qu’une source est belle et bien fiable. L’effet Dunning-Kruger s’applique là aussi. Une méconnaissance des mécanismes d’information conduirait facilement à croire tout ce que les journaux disent ou au contraire à tout réfuter. Au contraire, un peu de recul et une écoute un peu plus large permet vite de voir qu’il est très peu de sources d’info vraiment objectives. Les gouvernements n’en font pas partie, c’est leur rôle que de faire passer un message lié à un contexte et surtout des choix politiques ou une raison d’état parfois assez difficile à comprendre. Les scientifiques sont divisés et le seront toujours en partie, les plus innovants se trouvant à défendre des postions à l’encontre des plus traditionnels. Les grandes organisations internationales représentent elles aussi certains consensus et donc une vue parfois tronquée ou partiale. Les « vérités » les plus répandues et acceptées peuvent être démontées quelques temps après. La science n’est que cela, une somme de vérités provisoires progressant au fil des découvertes et de leur acceptation par le plus grand nombre. Même là, la prudence est de mise. Il serait naïf de croire que les lobbies n’existent pas et que nos dirigeants sauraient s’en affranchir.

Une sage prudence reste de mise

Il est parfois plus sage de reconnaitre humblement que nous ne savons pas grand chose. Nous pouvons continuer à nous informer en prenant le soin de bien choisir les sources que nous choisissons d’écoute. (Attention à tous ceux qui ne font que relayer des informations dont ils ne sont pas la source et à certains médias). Il est sage aussi de ne parler que de ce que l’on connait vraiment, si vraiment nous sommes experts. Sinon nous pouvons exprimer notre simple point de vue en prenant le soin de garder en tête la très approximative vision de notre subjectivité. Ainsi la parole devient humble, assumée comme totalement imparfaite et, je le souhaite, plus prudente.
Enfin, si l’on y met un peu de cœur, alors il y a des chances pour qu’elle devienne utile car authentique et positive. Seule notre parole authentiquement attachée à notre vécu, nos actions concrètes et notre vécu présent nous assurent de rester vrai et donc légitime. Cela ne rend pas nos propos plus justes que celles des autres. Mais cela leur donne notre juste place, celle de notre subjectivité. Le reste n’est que le bavardage de notre mental égotique.

Si vous aimez cet article, faites le circuler.
Pour approfondir : voir ici l’article de Dunning et Kruger.
Voir également le codex des biais cognitifs.

Lire aussi mes articles :
Les gens font-ils n’importe quoi ?
Le voyage à Abilène, histoire de consensus raté.